Les longs manteaux

Clément Gouley-Série sans titre, numéro 3-2021.

Illustration de Clément Gouley

Proposition d’interprétation

Dans le deuxième tableau on se trouve en présence des trois temps: le passé avec le temple, le présent avec le tournage et le futur avec le sujet du film. Tous les trois sont rassemblés en un seul lieu alors qu’ils n’ont a priori aucun rapport, en particulier passé et futur : que vient faire un héros de science fiction dans un temple grec ?

Le héros est à un moment particulier de son histoire. Il sait désormais que la réalité à laquelle il croyait dur comme fer n’est qu’une illusion, une image créée de toutes pièces par un système qui le manipule et tire profit de son énergie. Pour résister, il doit aller chercher en lui-mêmes des pouvoirs dont il ignorait jusque là l’existence.

Ici on le découvre hors tournage, hors effets spéciaux, et pourtant il conserve cette même démarche aérienne, cette même fluidité comme au ralenti qui est la marque de ces pouvoirs qui se sont révélés en lui. Derrière, en arrière-plan, le temple. C’est de là qu’il vient et c’est de là qu’il tire ses pouvoirs.

Le temple, qu’est-ce que c’est ? Un lieu de spiritualité mais aussi et surtout un lieu qui appartient au passé. Il n’en reste plus grand chose : les blocs qui forment le socle et quelques piliers en mauvais état. Cela suffit car les lieux et les pierres conservent la mémoire des personnes qui les ont fréquentés, des rites qui s’y sont déroulés…

Les Anciens détenaient des savoirs qui n’ont pas été consignés et qui n’ont pas pu nous parvenir sous forme écrite mais ces savoirs n’ont pas disparu pour autant, ils sont inscrits dans les lieux qui les ont vu naître. Notre héros a réussi à les contacter.

Il reste maintenant à comprendre le sens de la première partie du rêve. Au départ notre espace se limite à une petite maison, peu spacieuse mais suffisamment confortable pour qu’on s’y sente bien. Cette maison, c’est l’image de notre intériorité, une intériorité qui n’est jamais fixée mais oscille d’un rêve à l’autre entre cabanes précaires et demeures luxueuses. Chaque fois que s’ouvrent en nous des perspectives nouvelles, que se découvrent des possibilités inconnues, on voit surgir des étages à aménager, des ailes inhabitées. Ici cela va encore plus loin: ce n’est pas la maison qui s’agrandit, c’est l’espace tout entier qui s’avère soudain dix fois plus vaste que prévu.

Le rêve dit en fait un élargissement de notre être qui peut s’ouvrir aux trois temps, présent, passé et futur. Tout est en nous. En nous raccordant à la mémoire du passé, nous pouvons acquérir la force suffisante pour entrer en résistance et refuser un avenir qui ne correspond pas à nos aspirations.