Tout est calme

Illustration de Clément Gouley

Texte dit par Katina Loucmidis

 

Proposition d’interprétation

L’oiseau blanc du début est constitué d’éléments propres à éveiller les soupçons, je devrais voir qu’il ne s’agit pas d’un animal véritable. Mais non, j’y crois, et son retour le lendemain me semble une preuve éclatante de sa réalité, comme si la répétition d’un phénomène suffisait à en démontrer la véracité.

La scène suivante est un écho de celle que met en scène Yvan Pommaux dans son album « Tout est calme », quand surgissent sur la plage déserte où les deux jeunes héros ont trouvé refuge, des armées de toutes les époques et tous les pays.

Je n’ai pas eu le temps de tirer les conclusions de ma rencontre avec l’oiseau imaginaire, mais peut-être la référence implicite à cet album me renseigne-t-elle sur la nature des images. Le bruit a beau être présent, engins et animaux ont beau envahir l’espace, tout cela n’est sans doute qu’invention.

Chez Yvan Pommeaux, l’intervention de deux femmes barrant le passage, l’une de ses avirons, l’autre de son parapluie (deux objets qui ne font pourtant pas le poids face aux armes et qui de toute façon ne sont pas utilisés de manière offensive), suffit à faire reculer la horde des assaillants. Moi, je n’ai pas cette force ni cette assurance, je suis remplie d’effroi, mais je résiste à la tentation de fuir, reste plantée là et ferme les yeux. Cela me permet de vérifier qu’il s’agit d’une mise en scène.

Il y a tentative de manipulation. On ne sait pas qui se cache derrière ce « ils » général, cette voix anonyme provenant de l’hélicoptère, mais ceux qui maîtrisent ces technologies ont intérêt à nous maintenir dans la peur et la soumission. On sent derrière tout cela une volonté néfaste analogue à celle présente dans « Matrix ». Le moyen de résister ne consiste pas à prendre les armes, mais à refuser de croire n’importe quoi, de se laisser berner par les apparences.

J’ai relu l’ensemble de l’album d’Yvan Pommeaux. Après le reflux des assaillants, l’ensemble de la troupe constitué des deux jeunes (un garçon blanc, une fille noire) et des deux femmes (une jeune, une vieille) repart en bateau. En chemin, ils sont attaqués par des espadons, sauvés par un vieil homme qui les recueille dans un sous-marin. Pour remonter à la surface, les deux jeunes empruntent ensuite un long boyau vertical à côté duquel on distingue des peintures rupestres, puis un pilier de temple antique, une statue médiévale… Partis des profondeurs, ils gravissent les différentes strates de l’histoire humaine.

On pourrait tenter de cette aventure une lecture équivalente à celle des rêves ; deux jeunes, un futur couple pour une histoire nouvelle, un petit tour au fond de l’océan pour une renaissance, une forme de réinitialisation à travers la remontée des âges.

Je me suis demandé si l’histoire d’Yvan Pommaux avait inspiré mon rêve. C’est possible mais je ne crois pas. Ca fait très longtemps que j’ai lu ce livre. Ce que je crois plutôt, c’est que nous avons été inspirés par la même source. Ce n’est pas notre cerveau qui a élaboré cette histoire, elle vient de plus loin, elle nous est arrivée, comme on dit qu’une idée nous vient.