Remède

Illustration de Clément Gouley

Texte dit par Judith Visioli

L’effet de ce rêve a été très fort, une véritable illumination. Soudain c’était évident: on tenait LE moyen, absolument naturel et pacifiste, de prendre soin du vivant. On allait pouvoir rattraper nos erreurs, contrecarrer les méfaits de la pollution, remettre en état ce qui avait été détruit.

Puis je suis retombée sur terre, j’ai vu ce que le rêve racontait et tout d’un coup je me suis sentie perdue. J’étais sûre qu’il disait la vérité mais je ne voyais pas du tout comment mettre ça en œuvre, il ne pouvait être question d’appliquer le scénario au pied de la lettre, d’envoyer des femmes se dénuder en pleine nature.

J’ai continué mon chemin tout en gardant cette histoire dans un coin de ma tête. Plus tard j’ai entendu parler de l’énergie sexuelle, de cette force de vie que nous portons tous en nous et qui peut être mise au service de la guérison, celle des humains bien sûr, mais aussi de tout ce qui vit: animal, végétal, cours d’eau…

Tout cela est vrai mais aujourd’hui j’aurais presque envie de renverser le processus. Dans le rêve c’est la femme qui semble prendre l’initiative du soin, c’est l’action qu’elle applique qui provoque la guérison de la plante. Mais peut-être peut-on voir ça sous un autre angle: la femme se dépouille de ses vêtements, de sa volonté et c’est la plante qui l’attire à elle, c’est elle qui provoque plaisir et bien-être chez la femme, elle qui lui permet d’éprouver la force de son corps et de toutes les capacités qu’il abrite, elle qui lui donne l’occasion d’exercer son pouvoir de guérison.

Sans doute ne faut-il tirer ni dans un sens ni dans l’autre mais considérer que les deux se renforcent mutuellement et que si dépollution il y a, elle concerne tout autant la femme que la plante.

J’ai entendu Audur Ava Olafsdottir raconter que pour l’instant elle écrit parce que des histoires émergent qui demandent à être racontées, mais que, lorsqu’elle en aura fini avec ça, elle pourra revenir à la vie vraie, cultiver la terre, planter des carottes… J’ai la même impression: nous avons un certain nombre de choses à accomplir, en particulier réparer ce que nous avons abîmé, faire du nettoyage à l’extérieur comme à l’intérieur, dans nos émotions, nos blessures, celles qui nous appartiennent et celles dont nous avons hérité, mais au final le but ultime n’est pas dans ces tâches nécessaires, il est dans la vie même, dans la sensualité, dans un corps amoureux donnant et recevant.