Le musée

Clément Gouley-Série sans titre, numéro2-2021.

Illustration de Clément Gouley

Proposition d’interprétation

Je me fais l’effet d’une intruse, je suis entrée dans ce lieu sans y être autorisée. Ce qui me rassure, c’est que je ne suis pas seule, le « nous » du début indique que je suis fondue dans un groupe. Je ne sais pas de qui il s’agit, je ne vois pas les visages mais je me sens entourée.

Le lieu dans lequel nous pénétrons est un musée c’est à dire un lieu ouvert à tous. Il semble donc étrange de s’y glisser en cachette, mais il y a à l’intérieur deux espaces différents: l’espace officiel, vaste et éclairé, celui où sont exposés les œuvres et objets du passé, et un autre, le couloir sombre, où l’on n’est pas invité à entrer.

Dans l’une des premières pièces est exposée une clepsydre. Comme cela arrive parfois dans les rêves, c’est le nom qui s’impose à mon esprit, pas l’objet. D’ailleurs, comme je ne sais pas à quoi il ressemble, je serais bien en peine de le reconnaître.

La clepsydre a un double lien avec le temps: d’une part elle sert à le mesurer, d’autre part c’est un instrument qui appartient au passé. C’est peut-être une indication sur l’univers dans lequel je vais entrer ensuite.

Dans ce couloir sombre, loin des vitrines bien éclairées, je me vois munie d’un sèche-cheveux, objet totalement incongru dans un tel contexte. Pour enlever les traces d’humidité j’aurais tout aussi bien pu me servir d’un simple chiffon et de toute façon je m’imagine mal me promener avec ce type d’appareil dans la poche. Sa présence ne semble pas logique et pourtant il a une fonction importante: il me rappelle que même si je m’introduis dans ce lieu du passé, je ne bascule pas dans un autre temps, je reste dans le monde contemporain avec sa technologie et ses appareils électriques.

L’humidité et l’absence de lumière montrent l’état d’abandon. Plane aussi l’impression de mystère: ce que je vais découvrir se trouve dans un renfoncement à l’abri des regards. On se croirait dans une histoire fantastique ou policière: la plaque pivote pour faire apparaître une porte dérobée.

Un détail important: la clef est accrochée à côté de la serrure, je n’aurai pas besoin de forcer le passage, tout est disposé pour que la porte puisse être ouverte.

Qu’y a-t-il derrière cette porte ? Je l’ignore, tout ce que j’ai le temps d’apercevoir avant que le rêve ne s’arrête, c’est une sorte de cellule fermée depuis si longtemps qu’elle est envahie par la poussière. Je ne distingue rien d’autre, ni meuble, ni objet, ni fenêtre. Peut-être que si je n’avais pas été saisie par la peur, j’aurais pu y pénétrer et découvrir ce qui se cachait là.

Ce que je retiens tout de même, c’est qu’il y a deux sortes de lieux : les lieux officiels, ceux qui sont autorisés, des lieux mis en scène où notre parcours est balisé, et juste à côté d’autres lieux qui appartiennent aussi au passé mais où nous ne sommes pas invités à rentrer. Là pas de vitrines, pas de fiches explicatives, pas de discours. Et pourtant ces lieux ont aussi beaucoup à nous apprendre, simplement il ne s’agit pas d’objets de la vie quotidienne ou d’objets d’art, il s’agit de quelque chose d’immatériel qui a longtemps été tenu enfermé.

Il me semble que c’est ma peur qui a interrompu le déroulement du rêve. C’est assez fréquent: on se réveille en sursaut, le cœur battant comme si on venait d’échapper à un danger. C’est désagréable mais en même temps cela présente l’avantage d’inscrire durablement les images dans notre cerveau. La force de notre émotion va nous permettre de les mémoriser.